Refroidir son datacenter

Assurer un refroidissement efficace pour son datacenter n’est pas seulement une question de performance technique : c’est un enjeu financier, réglementaire et environnemental majeur.

Les datacenters sont les centres névralgiques de l’économie numérique. Ils hébergent et traitent des volumes de données colossaux, ce qui génère une chaleur considérable qu’il est impératif de maîtriser. Assurer un refroidissement efficace n’est pas seulement une question de performance technique : c’est un enjeu financier, réglementaire et environnemental majeur.

Un contrôle rigoureux de la température garantit non seulement la disponibilité des services, mais aussi la pérennité des investissements matériels. Dans un contexte de transition énergétique et de pression croissante sur les coûts opérationnels, le refroidissement s’impose comme un levier stratégique de compétitivité.

Les enjeux stratégiques du refroidissement

Le refroidissement représente entre 25 % et 30 % de la consommation énergétique totale d’un datacenter. Avec l’explosion des workloads liés à l’intelligence artificielle, au cloud computing et au big data, la densité énergétique des racks peut dépasser les 50 kW par rack, contre 5 à 10 kW il y a encore dix ans. (pour certains datacenters spécifiques). Notons qu’un rapport de l’AFCOM (2024) indique une densité par rack moyenne de 12 kW.

Dans ce contexte, les systèmes de refroidissement classiques atteignent leurs limites. Les opérateurs doivent désormais rechercher un équilibre entre :

  • Fiabilité opérationnelle : prévenir tout risque d’arrêt, de surchauffe ou de défaillance matérielle.
  • Optimisation énergétique : atteindre un PUE (Power Usage Effectiveness) proche de 1,2 voire inférieur.
  • Conformité réglementaire : se conformer aux directives européennes (ex. Code of Conduct on Data Centre Energy Efficiency).
  • Responsabilité environnementale : réduire l’empreinte carbone et favoriser la circularité énergétique (valorisation de la chaleur fatale).

Maintenir une température optimale

La norme ASHRAE recommande une plage de fonctionnement comprise entre 18 et 27 °C avec un taux d’humidité relative de 40 à 60 %. ASHRAE distingue plusieurs classes (A1, A2, A3, A4) en pratique, les opérateurs ciblent plutôt 24–26 °C pour maximiser l’efficacité énergétique sans compromettre la fiabilité.

Un refroidissement bien dimensionné permet de :

  • Maximiser la durée de vie des composants sensibles (processeurs, disques SSD, alimentations).
  • Garantir une performance stable face aux pics de charge.
  • Réduire le taux de pannes imprévues → MTBF amélioré (temps moyen entre pannes).

Panorama des technologies de refroidissement 🔍

Refroidissement par air : l’héritage historique
datacenter air cooling
Schéma du refroidissement par air

Les systèmes CRAC (Computer Room Air Conditioning) et CRAH (Computer Room Air Handler) diffusent de l’air froid pour dissiper la chaleur.

Leur efficacité repose sur des configurations spécifiques : allées chaudes / allées froides, confinement de couloirs, plancher technique surélevé.

→ Limites : forte consommation énergétique et complexité accrue avec l’augmentation de la densité énergétique.

Refroidissement adiabatique 

L’air chaud est filtré à travers des panneaux humidifiés. L’évaporation de l’eau abaisse la température de l’air de 5 à 10 °C avant diffusion dans la salle.

→ Bénéfice : réduction drastique de l’usage des compresseurs.

→ Limite : dépendance aux conditions climatiques locales et gestion de la ressource en eau.

Les cool roofs (design passif) :

Les toitures réfléchissantes ou membranes blanches permettent de réduire de 20 à 30 % la chaleur absorbée par les bâtiments.

Complété par une isolation performante et des matériaux thermo-réfléchissants, ce design passif devient une première barrière contre la surchauffe.

Le free cooling
Schéma du free cooling datacenter

Méthode consistant à utiliser directement l’air extérieur lorsque les conditions climatiques le permettent.

→ Bénéfices :Diminution des coûts d’exploitation jusqu’à 60 % et réduction significative de l’empreinte carbone.

→ Limite : applicable uniquement dans des zones géographiques tempérées

Refroidissement liquide direct (DLC ou direct liquid cooling)

Un réseau de micro-canaux transporte un fluide caloporteur au plus près des processeurs et GPU.

→ Bénéfices : Dissipation efficace jusqu’à 80 kW par rack sur certaines installations → plutôt 30-50 kW par rack observables, réduction des besoins en climatisation ambiante.

Refroidissement par immersion liquide (immersion cooling)

Les serveurs sont immergés dans un bain de fluide diélectrique non conducteur. Notons que que cette technologie est encore à ses débuts, qu'elle représente un coût global important et que ses avantages et inconvénients concrets ne sont pas encore pleinement mesurables.

→ Bénéfices : 

  • Efficacité thermique exceptionnelle, adaptée aux charges HPC et IA.
  • Réduction massive des infrastructures mécaniques annexes.
  • Possibilité de récupération directe de la chaleur fatale pour alimenter des réseaux de chaleur urbains.
Technicien contrôlant l'immersion cooling d'un datacenter

Intégration des énergies renouvelables

Associer refroidissement et production renouvelable (solaire, géothermie, biomasse) permet de découpler les datacenters de la dépendance aux énergies fossiles.

En Scandinavie, certains opérateurs exploitent la géothermie et restituent la chaleur fatale au réseau urbain.

Récupération et valorisation de la chaleur

Les systèmes modernes permettent d’injecter la chaleur issue des serveurs dans des réseaux de chauffage urbain. Cette circularité énergétique transforme le datacenter en acteur actif de la transition écologique. La proximité avec un réseau de chaleur urbain est quasi indispensable sans quoi le coût du transport, de la transformation et du stockage de la chaleur rendrait l’opération non rentable.

Dimension géopolitique et localisation

Le choix des technologies de refroidissement ne relève pas seulement d’une logique technique ou financière :

→ Conditions climatiques : les pays nordiques tirent parti de températures basses et stables, tandis que des zones comme Singapour ou Dubaï doivent recourir à des solutions intensives (adiabatique, immersion liquide).

→ Coût de l’énergie : en Europe, la flambée des prix de l’électricité favorise des approches basées sur la valorisation de la chaleur fatale et la recherche d’efficacité énergétique maximale.

→ Cadres réglementaires : L’Union européenne via le Code of Conduct on Data Centre Energy Efficiency propose des lignes directrices de référence.

→ Souveraineté numérique : certains États privilégient des implantations locales afin de contrôler l’énergie consommée et limiter la dépendance à des infrastructures étrangères.

Conclusion

Le refroidissement des datacenters n’est plus une simple question technique, mais un enjeu stratégique global.

Les acteurs du secteur doivent articuler leur stratégie autour de trois axes : innovation technologique, optimisation énergétique, et responsabilité environnementale. Le monitoring en temps réel via capteurs IoT et IA prédictive ou DCIM est aussi un acte stratégique essentiel qui doit se cumuler à une stratégie de refroidissement adaptée.

Les solutions émergentes comme le refroidissement liquide ou la valorisation de la chaleur transforment le datacenter en une infrastructure à haute valeur ajoutée, alignée avec les ambitions du numérique durable.

Sources :

2024 United States Data Center Energy Usage Report

https://itchronicles.com/wp-content/uploads/2024/02/Data-Ctr-Report.pdf

https://corporate.ovhcloud.com/en/newsroom/news/code-conduct-energy-efficiency-data-centres/

https://www.courrierinternational.com/article/energie-se-chauffer-grace-aux-data-centers-la-bonne-idee-de-la-finlande_231283

https://www.digitalrealty.fr/about/newsroom/press-releases/123233/digital-realty-equips-paris-data-center-with-direct-liquid-cooling-solution-for-high-performance-computing

https://www.usine-digitale.fr/article/totalinux-installe-le-premier-datacenter-francais-a-refroidissement-par-immersion.N2226978

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